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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/396

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MÉPHISTOPHÉLA

bon, parce que c’est permis, c’est d’avoir un mari et des enfants, comme les braves femmes. Si j’avais épousé un ouvrier, ou un employé, je m’en serais épargné, des chagrins ! Oui, c’est possible, il m’aurait querellée, battue même ; jamais de robes de soie ni de chapeaux à fleurs ; préparer le fricot, nettoyer les mioches ; je sais bien que tout n’est pas rose en ménage ! mais mon homme m’aurait dit quelquefois : « Allons ; viens que je t’embrasse ». Et j’aurais eu l’esprit en repos ; je n’aurais pas eu envie de vomir après la noce avec Hortense ou la grande Rosa, il ne m’eût pas fallu, pour manger quelquefois, coucher dans le lit de Mme Charmeloze. Toi, avec ton mari, quelle heureuse vie ! Tu es si belle, il t’aurait aimée avec tant de tendresse et de respect, et pense à la bonne joie de t’endormir près de lui, à côté de la chambre où les petits enfants sont couchés dans leurs berceaux. Laisse-moi te dire. Je crois que le diable existe. Oui, je le crois. Ce doit être lui qui a imaginé, pour nous perdre et pour agacer le bon Dieu, de faire se caresser les femmes. J’ai eu un démon en moi, tu as en toi un démon aussi, un plus grand démon, parce que tu vaux d’être tentée par un diable très chic. Il y avait bien des possédées, dans le temps de jadis ? pourquoi n’y en aurait-il pas encore ?