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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/414

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MÉPHISTOPHÉLA

tes pieds de chèvre parfumés dans les chevelures des reines, et pour que de nos lèvres jointes deux à deux et de nos bras enlacés à des bras et de nos poitrines offertes, de tous nos corps secoués dans une ronde forcenée,

Nous fassions autour de toi une énorme guirlande de vivantes fleurs, d’où toutes les odeurs brunes, blondes, ou rousses, délices de tes narines, monteront en un seul encens vers ta tête étoilée ! »

Et voici que, hors d’une fumée qui se déchira comme un voile, apparut sur l’autel une colossale forme. Avait-elle surgi des infernales profondeurs ? était-elle descendue du clair empyrée nocturne ? elle était noire, rouge et dorée. Elle se dressait, diabolique, et céleste, prodigieuse ; elle était terrible par l’énormité de la grâce autant que séduisante par l’infini de l’horreur ; on devinait la suppliciante charmeresse ; et, dominant les voix des Sœurs agenouillées, son rire — Sophor le reconnut ! — sonna comme un clairon de victoire. Femme par les cheveux lourds et longs et par le mystère des regards et par la rougeur des lèvres fraîches comme un baiser sanglant, bête par la poilure d’or dont se couvraient ses bras et ses jambes, et par ses pieds de chèvre, elle était le