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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/419

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MÉPHISTOPHÉLA

Nous t’adorons, et quand tu descendras de l’autel, nous ferons de nos corps des marches à tes pieds nus ! »

Et l’Élue en effet n’était plus elle-même ; pleine de la Démone possédée, elle se sentait la devenir. Noire, rouge et dorée, c’était elle qui se dressait, diabolique et céleste, prodigieuse ; femme par les cheveux lourds et longs et par le mystère des regards et par la fraîcheur sanglante des lèvres, bête par la poilure d’or de ses bras et de ses jambes, et par ses pieds de chèvre ; et, tandis qu’à son front flamboyait un diadème de diamants noirs, comme une constellation d’étoiles damnées, elle offrait triomphalement sous l’écarlate et l’or la splendeur fauve de l’ostensoir ! Et les murs s’évanouirent : toute la ville, et toutes les campagnes, et les fleuves, et les monts, et les continents lointains apparurent tels que Lucifer les verrait de la hauteur de son astre ; l’universelle multitude des vierges, des épouses et des veuves se dirigeait vers l’autel ; elles chantaient, elles dansaient, elles étaient joyeuses, elles se donnaient des baisers sur la bouche ; si des hommes voulaient les retenir, elles se jetaient sur eux, les déchiraient avec des rires, les laissaient le long des chemins, saignants et moribonds. Elles s’avançaient toujours ; c’était