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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/42

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MÉPHISTOPHÉLA

saison, cette exquise et troublante chose, la nubilité amicale de deux vierges. On eut dit les deux naïs éprises d’une angélique oarystis ; et qu’elles fussent des demoiselles bourgeoises en robes de jaconas vert et rose ajoutait un ragoût singulier à leur emportement de filles forestières. Mais elles ne savaient rien, elles ne comprenaient rien, sinon qu’elles, étaient bien contentes d’avoir été mouillées par la pluie, de s’être secouées, d’avoir fait voler autour d’elles leurs cheveux, et de s’embrasser sous la volée qui se pose de leurs chevelures mêlées. Elles s’embrassaient encore, riant davantage, la bouche sur la bouche, la peau frôlant la peau, la palpitation des cils sous les cils palpitants ; leur joie était telle que d’avoir vécu mille années en des extases ininterrompues il ne leur serait pas resté le souvenir d’un délice égal à celui de s’éteindre, si ingénûment, — car, enfin, des gamines, — parmi les criailleries mélodieuses de tous les petits oiseaux et sous le grand soleil qui s’allumait davantage de les tenir ainsi toutes deux, mêlées et remuées de rires, en la tendresse de sa caresse. Rien ne vaut l’union de Paul et Virginie sous les arbres, sinon celle d’un couple, où, pour plus de pureté, ce sont deux Virginie qui s’enlacent dans le bois. Baiser de deux bouches de fillettes qui ne se