Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
MÉPHISTOPHÉLA

taille. Il y avait au fond de l’un des jardins une espèce de maisonnette en bois, cahute plutôt que maisonnette, où le jardinier laissait ses instruments de travail, pioches, pelles, râteaux, et où l’on avait oublié un vieux hamac, hors de service, suspendu d’une paroi à l’autre. Si l’on n’entendait pas courir et rire Sophie avec Emmeline, on était sûr de les trouver là, couchées dans le hamac, enlacées, mêlant leurs bras et leurs jambes ; c’était Sophie qui avait imaginé cette cachette ; et si on venait les chercher pour quelque leçon, elle disait : « Tout à l’heure, nous avons bien le temps, nous jouons au petit mari et à la petite femme ; » elle ajoutait avec une fierté, en secouant ses cheveux : « Le petit mari, c’est moi ! » Mais Emmeline avait l’air très embarrassé, comme si on l’eût prise en faute ; elle se cachait, avec une peur d’être grondée, derrière les épaules de Sophie.

Une fois, il arriva — les petites avaient alors huit ou neuf ans, — que les deux mères eurent une fâcherie à propos d’une querelle des domestiques ; vieillissantes, veuves toutes les deux, la solitude les avait faites hargneuses, promptes aux réparties acerbes. Ces brouilles entre voisines, acrimonieuses au début, deviennent souvent enragées, à cause justement des rencontres