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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/464

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MÉPHISTOPHÉLA

plus ; voici que la santé lui était revenue et qu’elle était l’assidue amie de la plus séduisante et de la plus aimante des femmes. Si, quelquefois, les soirs, — quand Céphise allait et venait dans la chambre, toute blanche et rosée sous le diaphane brouillard de la chemise, — Sophor, malgré elle, se sentait envahie d’un besoin de solitude, tentée d’un bâillement, elle passait dans la pièce voisine, tirait d’un buffet quelque bouteille de liqueur ou de vin capiteux, la vidait presque entièrement d’une seule aspiration, reparaissait, les yeux allumés ; et la griserie, tandis qu’elle saisissait trop éperdument Céphise, lui rendait l’illusion du désir. Mais, bientôt, ni la volonté d’aimer, ni l’exaspérant alcool, ne réussirent à la persuader de la sincérité de ses concupiscences : au moment de rejoindre son amie, qui, du lit, lui tendait ses beaux bras nus dans les dentelles, elle supputait la longueur, la morose longueur du temps qui s’écoulerait avant l’aube, avant l’heure où le sommeil ne serait pas une offense. De toutes les gênes dont une puissance inconnue châtie l’humanité, il n’en est pas de plus exécrable que le plaisir quand il est devenu une servitude. Baiser des lèvres si jeunes, si fraîches, si exquises qu’elles soient, quand on a cessé de les désirer, c’est la pire des tortures ; et ceux-là