Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
MÉPHISTOPHÉLA

ne sauraient se faire une idée de la joie réservée à l’évadé d’un bagne, qui n’ont pas détourné leur bouche, enfin, après tant d’hypocrites essoufflements, d’une bouche qu’ils ne convoitent plus. Pas d’enfer comparable à la caresse lorsqu’elle cesse d’être un paradis. La baronne Sophor d’Hermelinge connut la corvée d’aimer. Seules, les extrêmes fatigues la délivraient, un instant, des répugnances ; les nuits, après les travaux, elle tombait, à côté de Céphise endormie enfin, en une morne hébétude ; elle enfonçait, comme dans de la poix, en l’opaque néant, voulait enfoncer davantage. Mais un instinct survivait : celui de voir la clarté matinale, d’ouvrir les fenêtres, de faire s’échapper vers les lointains frais du ciel cette odeur de bouches dont la chambre était pleine. Puis, peu à peu, ces projets, avec des lueurs d’issue : dès que le jour serait tout à fait levé, elle éveillerait Céphise, lui dirait qu’il est temps de partir : « Tu ne vas pas au Bois faire une promenade à cheval ? je te rejoindrai, avant midi, au pavillon d’Armenonville. À propos, tu sais, tu répètes de très bonne heure, aujourd’hui. » Et, souvent, elle avançait la pendule, pour que son amie, qu’elle secouait d’un mouvement en apparence involontaire, s’étonnât d’avoir dormi si tard, s’écriât : « Ah ! mon Dieu, il faut