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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/466

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MÉPHISTOPHÉLA

que je me sauve. » Et, Céphise rhabillée, Sophor trouvait interminables les baisers qu’elles échangeaient près de la porte, sous la voilette relevée dont le frôlement, à son front, l’agaçait.

Seule, elle revenait vite dans la chambre, entrebâillait les croisées, se recouchait, jetait l’un des oreillers, — celui de Céphise, — aspirait l’air clair, largement ; et il y avait dans toute elle le soulagement qu’une femme éprouve lorsqu’elle vient d’arracher un corset qui l’étouffait.

Mais elle ne s’endormait pas.

Elle réfléchissait, plus lucide, s’efforçait de se comprendre. Que la convoitise fût morte en elle, elle ne voulait pas l’admettre, non, non, cent fois non ! Elle affirmait violemment à quelque invisible contradicteur qu’elle serait sans fin la victorieuse des mâles bafoués, la conquérante insatiable des jeunes femmes. Seulement, — oui, voilà ce qui était probable, — son désir, par l’expérience du plaisir, s’était raffiné ; ce qui, en elle, ressemblait à de la lassitude n’était que le noble dédain des trop banales joies. Et elle s’enorgueillissait de ne pas être heureuse en de médiocres bonheurs ; s’étonnait de s’être, naguère, si aisément satisfaite. Elle prenait en mépris les femmes qu’elle avait eues, qu’elle avait. Comment avait-elle pu se plaire auprès de Magalo,