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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/471

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MÉPHISTOPHÉLA

tures, un seul amour constant, serein, sacré, l’eût emplie toute ; elle aurait été, éternellement, l’amoureuse sœur d’une ange, l’épouse angélique d’une vierge. Sans doute, à présent que la science, hélas ! était en elle, elle n’osait se dire à elle-même qu’elle eût longtemps respecté les innocences d’Emmeline ; elle l’aurait possédée, puisque l’amour est fait de désir, puisque l’âme se réalise en chair ; c’eût été, ce serait encore de délirantes joies ; ah ! dieu, sa bouche ! pour retrouver l’extase d’un baiser sur cette bouche, elle aurait accepté d’y boire, dans les fraîcheurs du souffle, un poison dont on meurt tout de suite ! Mais ses ardeurs se seraient épurées à cause de la pureté d’Emmeline. Sophor finissait par concevoir le lit qu’elle eût partagé avec son unique amie comme une auguste couche nuptiale où la sensuelle extase s’idéalise, se divinise. Ses plaisirs auprès d’autres femmes lui semblaient, maintenant, des débauches ; son amour pour Emmeline aurait eu des chastetés d’hymen. Et elle adorait, dans la pénombre de son ennui, cette lumière, Emmeline, blancheur et candeur. Tout ce qui est clair, serein, sacré, se résumait en cette vague apparition, là-bas. Il y avait une ressemblance entre la dévotion que, parmi les