Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
467
MÉPHISTOPHÉLA

temps, elle ne savait plus qu’elle avait été morose et acerbe. Et ce n’était pas vrai que tant de jours se fussent écoulés, qu’elle eût trente ans ; elles étaient, Emmeline et elle, aussi jeunes que jadis ; elles n’avaient jamais cessé d’être tendres et heureuses. Tout à coup, elle se pencha, ravie, en avant de la portière, parce que la grande avenue d’un château, là-bas, ressemblait à cette allée de forêt, où un jour, après la pluie, elles avaient joué comme des folles, et tourné, tourné longtemps, en se tenant par les mains, sous le parasol de leurs cheveux mêlés et envolés. Eh bien ! ces jeux de fillettes, elles les recommenceraient ; elles s’en iraient ensemble le long des routes vers les bois. Sophor ne doutait pas de l’obéissance d’Emmeline. Dès une parole, dès un signe, Emmeline s’en viendrait, sans souci de son mari ni d’aucune autre personne. Et elles partiraient tout de suite. Où iraient-elles ? dans l’île. La maison devait exister encore. Elles y logeraient, sans domestiques, comme jadis, feraient venir de l’hôtel les déjeuners et les dîners ; elles seraient seules sous les grands arbres, se courraient après, en se jetant des fleurs, sur la pelouse. Et ce serait l’adorable idylle d’autrefois, plus délicieusement amoureuse. Car maintenant Sophor n’ignorait plus rien de tout ce qu’Emme-