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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/53

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MÉPHISTOPHÉLA

rubins extasiés, elles s’ensommeillèrent dans les bras l’une de l’autre, ouvrant un œil pour se voir, le refermant, heureuses de s’être vues, et se baisant de leurs petites lèvres fraîches ; sur la couche, si grêles et demi nues, et se serrant avec de vagues sursauts parfois, elles avaient l’air de deux petits oiseaux presque sans plumes qui se frôlent dans le même nid.

La convalescence de Sophie fut assez lente, soit que la crise eût été plus grave que n’avait dit le médecin, soit que, par une tendre ruse instinctive, l’enfant se plût à la prolonger pour avoir toujours auprès d’elle Emmeline, petite garde-malade, jamais lasse de dire : « Tu vas mieux ? tu n’as plus mal ? » qui était si mignonne à voir quand elle sucrait les tisanes et les goûtait la première. Les nuits, elles dormaient ensemble ; si elles s’éveillaient, elles se contaient leurs rêves ; et, c’était curieux, ils étaient toujours les mêmes, ces rêves : promenades à deux dans la forêt, dînettes communes sur la table du jardin, habillement et déshabillement de la poupée en mêlant leurs doigts. Les jours, Emmeline, assise sur le bord du lit, et Sophie, la tête sur l’oreiller, se disaient des histoires, ou bien jouaient aux dames, ou bien regardaient les images d’un album ; elles préféraient se dire des