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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/551

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MÉPHISTOPHÉLA

trouverait pour dire les naïvetés de sa surprise et de son admiration. « Ah ! mon Dieu ! si j’allais ne pas l’aimer ! » Sophor éloignait cette alarme. Elle l’aimerait ! elle l’aimerait ! parce que Carola devait être digne d’affection, et, surtout, parce qu’une mère doit aimer sa fille. C’est naturel, cela. De plus en plus, Mme d’Hermelinge se persuadait que l’intérêt de son repos, de sa conscience rassérénée, n’était pour rien dans son attirance vers l’enfant inconnue ; elle croyait décidément qu’elle n’obéissait qu’à un très cher et très noble devoir ; et elle trouvait la quiétude d’une espèce de rédemption déjà dans la conviction de son désintéressement. Puis, après le grand voyage, quand elles reviendraient en France, elles habiteraient Auteuil, ou Versailles, dans une maison un peu isolée, d’aspect bourgeois. Elles seraient bien tranquilles, toutes les deux. Elles feraient de la musique ensemble, liraient à haute voix, l’une après l’autre. Cependant, Sophor ne savait pas si elle permettrait à sa fille de lire. Pour les jeunes filles, tous les livres sont mauvais, même les plus chastes, parce qu’ils suscitent en ces jeunes âmes le souci de l’inconnu, de l’irréel ; et il ne faut pas être romanesque. Pas de musique non plus ; les mauvais anges, les esprits ten-