Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
MÉPHISTOPHÉLA

tion du mâle d’avec la femelle ; il divisait l’humanité en sexes non mariés, et il n’empêchait pas d’espérer que, de chaque groupe, des couples, près de devenir des anges, s’envoleraient vers le paradis ! Ces sentiments, en elle, n’étaient point nets ; on l’eût grandement surprise si on les lui avait exprimés en termes précis. Instinctives rêveries. Prochaines pensées. Mais elle se plaisait dans le vague de ses étranges ferveurs, et s’y enfonçait toujours davantage, avec un délice de vertige.

Dans la chambre que les deux enfants avaient choisie pour y étudier leurs leçons, Sophie avait placé sur la cheminée, entre deux porcelaines d’où s’érigeaient des lys, une grande poupée, tout de satin blanc vêtue ; elle avait mis à cette image un diadème de marguerites et de muguets, l’avait parée de leurs bijoux de fillettes, colliers de petites perles, bagues avec un seul saphir, broches d’or léger ; et puisque, cette poupée, c’était la vierge Marie, sous ses mignons souliers de soie il y avait, avec sa tête de lézard d’or vert, aux yeux de rubis, un bracelet déroulé qui signifiait le Serpent. Ainsi, en leur religion puérile, Sophie et Emmeline, sans le savoir, imitaient les peuples enfantins décorateurs d’idoles ; leur poupée ressemblait à ces