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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/63

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MÉPHISTOPHÉLA

rent agenouillées sous les voiles, Sophie et Emmeline, au milieu de leurs compagnes, se trouvèrent encore voisines ; et, au moment où un prêtre d’un côté, un prêtre de l’autre côté, allant de fillette en fillette, donnaient Dieu à ces enfants, le jour, en un hasard de rayons groupés, isola les deux amies d’une clarté séparatrice qui était comme un autre voile fait de lumière ; on eût dit, en cet endroit, devant l’autel, deux petites mariées, sans mariés.

Les prêtres, celui qui venait de droite, celui qui venait de gauche, arrivèrent devant elles ; délicieusement elles attendaient, bouche mi-ouverte, l’hostie ; presque en même temps toutes deux la reçurent ; ce fut dans le cœur de Sophie une chaleur dévoratrice ! et, dans le cœur d’Emmeline, une tiède neige fondante ; car Dieu est différent selon les âmes. Or voici que, tout à coup, Sophie se dressa, elle semblait souffrir étrangement, elle porta ses mains à ses oreilles comme si elle avait entendu quelque intolérable bruit ! Les prêtres qui donnaient la communion s’approchèrent d’elle, inquiets… Mais déjà un sourire d’une sérénité passionnée lui épanouissait toute la face ; et, violemment, irrésistiblement, elle prit Emmeline dans ses bras, et, à cette place où les fiancés reçoivent la bénédiction