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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/69

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MÉPHISTOPHÉLA

bonnet de deuil ; regardant peu, ne songeant guère, uniquement occupée après la messe, — car elle allait tous les matins à l’église, — de l’éternelle tapisserie où s’obstinait sa patience ; n’ayant un éveil dans l’œil qu’à la pensée de son fils, un brave et fort soldat, sorti de Saint-Cyr, maintenant capitaine de cuirassiers, ou de son mari qu’elle avait adoré avec l’étonnement extatique d’être la femme de ce hardi et brillant gentilhomme, elle, fille de fermier, presque fille de ferme, qui n’avait jamais pu avoir les mains blanches et qu’un mariage aristocratique avait à peine faite bourgeoise.

Non, celle qui s’inquiétait des deux jeunes filles, ou plutôt qui les observait parfois, à la dérobée, avec un petit ricanement muet, c’était la mère de Sophie, Mme Luberti ; elle avait l’air de comprendre, sans s’étonner d’ailleurs, sans se courroucer non plus ; il y avait dans sa façon de considérer ces petites, je ne sais quoi qui ressemblait, avec un imperceptible clignement des paupières, à ce « eh ! eh ! » des vieux débauchés qui écoutent quelque histoire égrillarde. Elle paraissait, dans ces moments-là, savoir beaucoup de choses, beaucoup de choses mauvaises, cette sèche et maigre femelle, grisonnante de cheveux et de peau, toujours vêtue de lainages sombres,