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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/70

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MÉPHISTOPHÉLA

austère, revêche, qui était venue, seize ans auparavant, s’établir à Fontainebleau, dans une grande maison du faubourg, et qui, à ce qu’on croyait, était la veuve d’un diplomate italien ; elle avait choisi Fontainebleau à cause du voisinage de la forêt, dont l’air est salutaire aux personnes qui toussent. Elle acquit très vite et garda, parmi les bonnes gens de la ville, la réputation d’une femme sur qui en somme il n’y a rien à dire, un peu rude, assez avare, — ce dernier défaut peut passer pour une qualité ; et on l’estimait généralement, bien que, à cause de sa négligence à remplir les devoirs de la religion et par suite de la liberté souvent brutale de ses propos, on la soupçonnât d’être protestante. En réalité, c’était maintenant une de ces quinquagénaires dépourvues de tout amour, de tout désir, de toute espérance, qui, secrètement hantées, avec l’ennui pourtant de la vie, par la peur de l’inévitable tombeau, demandent à la paix d’un séjour comme stagnant, au sommeil dès neuf heures du soir, au réveil matinal, à la nourriture modérée, à l’absence de toute secousse et de toute émotion, le fonctionnement prolongé de leur ressort vital, presqu’usé. Une seule passion : celle d’amasser, comme dans l’armoire du linge sur du linge, les revenus d’une fortune qu’on supposait considérable. Passion