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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/72

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MÉPHISTOPHÉLA

rager, — ou d’aller avertir une comédienne près d’entrer en scène, que le monsieur sérieux, celui dont il faut tenir compte, se promenait le long du trottoir devant l’entrée des artistes et que « madame » ferait bien, si elle s’en allait ce soir avec le jeune homme qui jouait les pères nobles, de sortir par la porte du public. Les commissions faites, essoufflée parce qu’elle avait monté vite, elle s’asseyait dans un coin de loge, ou s’affalait, c’était son mot, contre quelque décor ; regardant, avec des yeux qui jugent la chair, se déshabiller, se rhabiller les belles filles, ou attentive aux gestes du second régisseur qui pousse en scène les figurantes avec de grosses mains fourrées sous la jupe. En ces apprentissages, elle se fût pervertie jusqu’à la moelle si, de nature, elle n’eut été perverse au point de défier les mauvais exemples. Elle avait l’incorruptibilité de la corruption accomplie. Il était aussi inutile de lui enseigner un vice, qu’il le serait de verser du poison dans un calice d’aconit ou de belladone. L’insalubrité des coulisses ne faisait qu’entretenir son mal ; il n’y avait pas de différence entre l’air qu’elle y aspirait et celui qu’elle y expirait. Elle recevait et rendait les mêmes miasmes. Ce sont là les mystères des enfances vouées à l’infamie par quelque obscure loi d’atavisme ou par