Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
MÉPHISTOPHÉLA

se mourait d’une grippe aggravée en phtisie, le directeur s’avisa de donner à Phédo un rôle assez important dans un drame que l’on montait. Il s’agissait de personnifier une enragée gamine, qui était comme la petite providence diabolique d’une bande de cambrioleurs. C’était elle qui devait dire, en soulevant l’édredon sous lequel on venait d’étouffer un vieux bonhomme : « Non, ce qu’il pionce, ce particulier ! » Elle prononça cette parole, et d’autres analogues, d’un accent si joliment voyou, avec tant d’espièglerie dans la crapule, qu’elle eut un succès ; après son acte, on la rappelait trois fois ; de sorte qu’elle fit, à elle seule, la fortune de la pièce ; le directeur, qui était un honnête homme, lui donnait sept francs de feux. C’était énorme. Vers la cinquantième représentation, on ajouta un tableau où la gamine, éveillée par l’arrivée de la police, descendait d’une fenêtre le long d’une corde, en chemise, sans maillot. Naturellement, si elle avait été une femme, ou seulement un peu grasse, le directeur, honnête homme, aurait dit : « Il faut un maillot », bien qu’il fût très soucieux de la vérité dans l’art. Mais, pour une enfant si maigriotte, il n’était pas besoin d’un enveloppement de soie ou de coton ; il aurait fallu être joliment canaille pour avoir des