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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/76

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MÉPHISTOPHÉLA

idées à propos d’une mioche qui n’a que la peau et les os ! Même on ne trouva pas déplacé, — la vérité avant tout, — qu’elle s’arrêtât dans sa descente, un instant, à la hauteur de l’entresol, pour ressaisir plus fortement la corde qui avait failli lui échapper. Et l’on faisait des recettes de fauteuils d’orchestre à cause des petits genoux nus. Le directeur donna dix francs de feux.

Malgré toute cette « veine », la tante n’était pas satisfaite. Un succès, oui, qui ne durerait pas ; Phédo réussissait parce que, d’être petiote, elle était intéressante ; mais, jeune fille, jeune femme, ce ne serait pas la même chose ; car, malgré ses cheveux très longs et si fins, — elle n’avait que ça pour elle — elle n’était pas jolie, ne le deviendrait pas en grandissant, avec son nez trop long et ses yeux trop petits, et ses minces lèvres déjà défleuries, et sa peau sèche, presque rugueuse, bossuée de gros os. On ne chicane pas sur la qualité des primeurs, mais Phédo serait tout à fait banale, pas appétissante, quand elle ne serait plus tout à fait extraordinaire. Pour du talent, du vrai talent, savait-on si elle en aurait ? Puis, l’ouvreuse, à cause de la spécialité de son expérience, n’attribuait qu’une médiocre valeur à cette chose, le talent ; pour se faire une