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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/83

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MÉPHISTOPHÉLA

s’érigeait, au bout d’un chauve cou de vautour, un visage glabre et lisse, presque sans largeur, tout tiré en long comme les figures que l’on voit dans un miroir convexe, il se tenait assis, les jambes mortes, les paumes aux genoux, — des blancheurs de lèpres sur le dos des mains, — dans un fauteuil roulant, au milieu d’une grande salle à la dallure de marbre alternativement blafarde et noire, aux parois de noyer sombre, aux fenêtres toujours closes, au très haut plafond d’où pendait, incessamment allumée, une lampe de fer ; il avait l’aspect d’un mort assis dans un sépulcre. La vie, une vie ardente, violente, souvent furieuse, avec du mépris et de la haine, ne persistait que dans les yeux de ce presque cadavre. La faculté de se mouvoir que les jambes n’avaient pas eue, et presque abolie dans les bras, s’était concentrée dans ces yeux terribles ; et, par eux, il voulait, ordonnait, détestait. Mais ce qu’il y avait de plus épouvantable en cet être moins qu’humain, ne bougeant guère, entendant mal, parlant rarement, d’une voix grêle et claire, sautelante et saccadée comme des cassures de cristal, — une voix de nain qui bégaie — c’était que, par instants, il riait. Sans qu’une joie s’allumât sous ses paupières, avec un sursaut seulement des fourrures sur le ventre, il riait, non de tout le