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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/88

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MÉPHISTOPHÉLA

table-à-jeu apportée près du fauteuil roulant ; et dans les intervalles des coups, on parlait à voix basse. Des mois, des années se passèrent, de très nombreuses années. Toujours la même existence : veiller sur cette espèce de mort, essayer de lui complaire. Une telle monotonie quotidienne, en vue d’un avenir si lointain peut-être, si incertain d’ailleurs, — car sa fortune, cet infirme, la leur laisserait-il ? — aurait découragé les cupidités les plus obstinées. Mme Sylvanie, les jours de neige, se demandait si, déjà riche, elle ne ferait pas mieux de renoncer à son espérance, de revenir à Paris, où elle pourrait faire figure, en somme, avec les rentes de son capital. C’était Phédo maintenant qui s’acharnait à l’opulence empoignée déjà, lui semblait-il, et, se desséchant dans l’ennui, vieillissant double dans la plus longue durée des heures, elle ne voulait pas lâcher prise. En cette âme où jamais rien de lumineux ni de fier ne se leva, à qui la précocité des dépravations instinctives avait interdit même cet amusement : la nouveauté des vices, il n’y avait plus qu’une seule pensée, saisir emporter, posséder, garder cette fabuleuse richesse ; et il lui venait, par l’idée fixe, une cambrure plus aquiline du nez, avec une habitude de mains en avant, crochues ;