Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
MÉPHISTOPHÉLA

qu’on n’aura point il faut se contenter de ce qu’on peut avoir. Mme Sylvanie, qui depuis tant d’années veillait au grain, comme on dit, connaissait les coffres et les armoires où s’amassaient les sommes apportées par les fermiers du comte, savait où trouver les clefs des tiroirs pleins de valeurs et de bijoux. Après les funérailles qui furent très belles, — tous les serfs, avec d’abondants sanglots, suivaient le corps du maître — les trois complices quittèrent le pays dans un télègue suivi de chariots plus grands, chargés de malles qui n’étaient point vides ; on les laissa partir sans leur demander où ils allaient ni ce qu’ils emportaient, — qui donc eût osé interroger des personnes qui avaient eu la confiance et l’amitié du comte ? — et, durant le voyage, la tante et la nièce, dans des causeries à voix basse, supputaient le chiffre de leur fortune, additionnant les sommes diverses, depuis celle qui fut déposée à la Banque de France et qui avait produit naturellement des intérêts — plus que doublée, cette somme — jusqu’aux valeurs considérables qu’elles s’étaient appropriées. « Cent mille livres de rentes, » concluait Mme Sylvanie ; Phédo disait : « Mieux que cela » ; puis elles pensaient, les yeux fermés, très pressées d’être de l’autre côté de la frontière. Seul, Luberti, qui ne possédait quasi