Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/541

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Au prix de ton hymen elle obtenait sa grâce.
Tu vis de ses refus s’évanouir l’audace ;
Et l’enchaînant à toi d’un lien éternel,
Sur l’échafaud brisé tu fis dresser l’autel.

BOABDIL.

Et tu veux que je sois assassin et parjure !
Que, faisant d’un serment une horrible imposture,
L’échafaud sur l’autel se relève à son tour !
Que Zoraïde, en vain immolant son amour…

ALY.

Lorsqu’elle t’appartient, loin de toi la faiblesse
De vouloir t’abaisser à tenir ta promesse.
Aux mortels, au prophète, à Dieu même juré,
Un serment qui peut nuire est-il encore sacré ?

BOABDIL.

Ah ! ne me prouve pas l’utilité d’un crime…
N’en fais pas à ma haine un moyen légitime.
Sais-tu que je pourrais céder à mes transports,
Si j’étais sûr de moi pour dompter mes remords ?
Ne crois pas que ce soit la pitié qui m’arrête.
T’avoûrai-je une crainte et honteuse et secrète ?
Mon rival au tombeau descendrait aujourd’hui,
Si j’y pouvais jeter sa mémoire avec lui !
Mais je sens trop, hélas ! au trouble qui m’accable,
Que l’oubli n’entre pas dans le cœur d’un coupable ;
Et je suis malgré moi par ce doute abattu :
Innocent par faiblesse, et non pas par vertu.

ALY.

Eh bien ! laisse une épouse et celui qu’elle adore,
Plus hardis…

BOABDIL.

                        Dans l’exil puis-je le craindre encore ?
Quand la loi, quand l’honneur leur défend de se voir ?