Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/548

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SÉIDE.

Ah ! malheureux ! combien d’une telle entrevue,
Dans de pareils instans, je redoute l’issue !

ABENHAMET.

Comment ? De quels soupçons tes esprits alarmés ?….

SÉIDE.

Penses-tu que sur vous tous les yeux soient fermés ?
Crois-tu que Boabdil, affectant la clémence,
Et contre la loi même embrassant ta défense,
Te puisse pardonner d’être aimé plus que lui ?
Non ! quand ton fier rival te présente un appui,
De sa feinte bonté le funeste artifice
Veut épargner sa gloire, en cachant ton supplice.
Peut-être…

ABENHAMET.

                    Eh ! que me font les dangers que je cours !
C’est aux heureux du monde à craindre pour leurs jours.
Mais, pour moi, qu’ai-je donc de si beau dans ma vie,
Pour l’aimer, pour trembler qu’elle me soit ravie ?
Qui n’attend nul bonheur, qui ne sent nul remord,
Ne doit pas faire un pas pour éviter la mort.

SÉIDE.

Oui, mais faut-il aussi courir au-devant d’elle ?
Que dis-je ! dans ces lieux Zoraïde t’appelle ;
Eh bien ! même à l’abri des maux que j’entrevoi,
Tu vas la voir, hélas ! c’est beaucoup trop pour toi ;
Tu vas, en retrouvant cet objet de ta flamme,
Tout entière à l’amour abandonner ton âme.
De ce charme funeste un moment enivré,
Demain tu partiras, jaloux, désespéré ;
Demain, tu trouveras mille fois plus cruelle
L’horreur dont est suivie une absence éternelle.