Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/116

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ritables, sont plus agréables à Dieu que la priére.

S’agit-il, par exemple, de curer les égouts, les puits, de transporter les immondices, de s’assujettir aux emplois les plus bas, les plus abjects ou les plus dangereux, comme de porter au milieu d’un incendie le secours des pompes, de marcher sur des poutres brûlantes, de s’élancer dans les eaux pour sauver la vie à un malheureux prêt à périr, &c. ces généreuses victimes du bien public se remplissent, s’enflamment d’un courage actif, par l’idée grande & sublime de se rendre utiles & d’épargner le sentiment de la douleur à leurs compatriotes. Ils se font un devoir de ces occupations, avec autant de joie & de plaisir que si c’étoient les plus douces, les plus belles : ils font tout pour l’humanité, tout pour la patrie, & jamais rien pour eux. Les uns sont cloués au chevet du lit des malades, & les servent de leurs mains, d’autres descendent dans les carriéres, en détachent, en arrachent les pierres : tour à tour manœuvres, pionniers, porte-faix, &c. ils semblent des esclaves qu’un tyran a courbés sous un joug de fer. Mais ces ames charitables ont en vue le désir de plaire à l’Éternel en servant leurs semblables : insensibles aux maux présens, ils attendent que Dieu les récompensera, parce que le sacrifice des voluptés de ce monde est fondé sur une utilité réelle & non sur un caprice bigot.