Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/118

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à arrêter, à prévenir l’effusion d’une seule goutte de sang. Ces hommes extraordinaires ne présentent point leur genre de vie comme un modèle à suivre ; ils ne se glorifient point de leur héroïsme ; ils ne s’abaissent point pour attirer la vénération publique : surtout ils ne censurent point les défauts du prochain ; beaucoup plus attentifs à lui procurer une vie douce & commode, fruit de leurs innombrables soins. Lorsque ces ames augustes vont rejoindre l’Être parfait dont elles sont émanées, nous n’enchassons point leurs cadavres dans un métal plus vil encore ; nous écrivons l’histoire de leur vie, & nous tâchons de l’imiter, au moins dans son détail. — Plus j’avance, plus je vois des changemens inattendus. — Vous en verrez bien d’autres ! Si vingt plumes n’attestoient la même chose, nous révoquerions assurément en doute l’histoire de votre siécle. Comment ! les serviteurs des autels étoient turbulens, cabaleurs, intolérans. De misérables vermisseaux se persécutoient & se haissoient pendant le court espace de leur vie, parce que souvent ils ne

    le prêche, le sollicite, le suit jusques dans son hôtel, monte à son appartement, le supplie à plusieurs reprises, le relance jusques dans son cabinet, toujours intercédant pour ses pauvres. Le brutal millionnaire impatienté lui donne un soufflet. Eh bien ! voilà pour moi, reprit le conseiller, & pour mes pauvres ?