Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/138

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foule se presser sous son regard étonné. Alors un pasteur vénérable lui dit d’une voix imposante & majestueuse : « Jeune homme ! voilà le Dieu de l’univers qui se révele à vous au milieu de ses ouvrages. Adorez le Dieu de ces mondes, ce Dieu dont le pouvoir étendu surpasse & la portée de la vue de l’homme & celle même de son imagination. Adorez ce créateur, dont la majesté resplendissante est imprimée sur le front des astres qui obéissent à ses loix. En contemplant les prodiges échappés de sa main, sachez avec quelle magnificence[1] il peut récompenser le cœur qui s’élévera vers lui. N’oubliez point que par-

  1. Montesquieu dit quelque part que les tableaux qu’on fait de l’enfer sont achevés, mais que lorsqu’on parle du bonheur éternel on ne fait que promettre aux honnêtes gens. Cette pensée est un abus de cet esprit saillant qu’il place quelquefois mal-à-propos. Que tout homme sensible réfléchisse un moment sur la foule des plaisirs vifs & délicats qu’il doit à l’esprit. Combien ils surpassent ceux qu’il reçoit ses sens ! Et le corps lui-même, qu’est-il sans ame ? Que de fois l’on tombe dans une letargie délicieuse & profonde, où l’imagination agréablement flattée vole sans obstacle & se crée des voluptés exquises & variées, qui n’ont aucune ressemblance avec les plaisirs matériels. Pourquoi la puissance du Créateur ne pourroit-elle pas prolonger, fortifier cet heureux état ? L’extase qui remplit l’ame du juste méditant sur de grands objets