Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/157

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que le papier timbré ruinât les familles, que le vin fût hors de prix, pour satisfaire l’horrible avidité du traitant ; & comme les grands ne mouroient point de ce poison caché, il leur étoit fort indifférent que la populace disparoisse : c’étoit ainsi qu’ils appelloient la partie laborieuse de la nation. — Comment se pouvoit-il qu’on eût détourné les yeux volontairement d’un abus meurtrier & aussi funeste à la société ? Quoi ! l’on vendoit publiquement du poison dans votre ville, & l’exactitude du magistrat s’est trouvée en défaut ? Ah, peuple barbare ! parmi nous, dès que le mêlange trompeur se fait sentir, ce crime est capital, l’empoisonneur est mis à mort : mais aussi nous avons balayé ces vils maltôtiers qui corrompent tous les biens qu’ils touchent. Les vins arrivent sur les marchés publics tels que la nature les a façonnés, & le bourgeois de Paris, riche ou pauvre, boit actuellement un verre de vin salutaire à la santé de son roi, de son roi qu’il aime, & qui est sensible autant à son estime qu’à son amour. — Et le pain,

    ne la refuseras pas : Le pauvre âne ne put rien répondre, mais tomba de lassitude, & mourut sous le faix.

    Or, voici la moralité. Le villageois est le prince, & le peuple est l’âne : mais il est un peuple-âne pacifique, qui aura la complaisance de ne point tomber à terre ; il mourra debout.