Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/161

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le peuple souffroit la faim ! — Remerciez la providence qui gouvernoit ce royaume ; sans elle vous auriez brouté l’herbe des champs ;

    trop précipités ; ils ont vu tout, excepté la cupidité humaine, puissamment excitée par cette amorce dangereuse. C’est un siphon, (dit énergiquement Mr. Linguet) qu’ils ont mis dans la main du commerce, & avec lequel il a sucé la substance du peuple. La clameur publique doit l’emporter sur les Éphémérides. On pousse des cris douloureux ; donc l’institution est actuellement mauvaise. Que le mal parte d’une cause locale, n’importe, il falloit la deviner, la prévoir, la prévenir, sentir qu’un besoin de première nécessité ne devoir pas être abandonné au cours fortuit des événemens ; qu’une nouveauté aussi étrange dans un vaste royaume lui donneroit une secousse qui opprimeroit certainement la partie la plus foible. C’étoit cependant le contraire que les économistes se promettoient. Ils doivent avouer qu’ils ont été égarés par le désir même du bien public, qu’ils n’ont pas assez mûri le projet, qu’ils l’ont isolé, tandis que tout se touche dans l’ordre politique. Ce n’est pas assez d’être calculateur ; il faut être homme d’état ; il faut estimer ce que les passions détruisent, altèrent, ou changent ; il faut peser ce que l’action des riches peut opérer sur la partie pauvre. On n’a voulu appercevoir l’objet que sous trois faces, & l’on a oublié la partie la plus importante, celle des manouvriers, qui compose à elle seule les trois quarts de la nation. Le prix de leur journée n’a point haussé, & l’avide fermier les a tenus dans une plus étroite dépendance : ils n’ont pu appaiser les cris de leurs enfans par un travail redoublé. La cherté