Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/176

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armée d’un poignard, ouvroit le côté d’un tyran & exposoit aux yeux de tous son cœur dévoré de serpens.

Le théâtre formoit un demi-cercle avancé, de sorte que les places des spectateurs étoient commodément distribuées. Tout le monde étoit assis ; & lorsque je me rappellois la fatigue que j’essuyois pour voir jouer une piéce, je trouvois ce peuple plus sage, plus attentif aux aises des citoyens. On n’avoit point l’insolente avidité de faire entrer plus de personnes que la salle n’en pouvoit raisonnablement contenir ; il restoit toujours des places vuides en faveur des étrangers. L’assemblée étoit brillante ; & les femmes étoient galamment vêtues, mais décemment arrangées.

Le spectacle ouvrit par une symphonie qu’on avoit eu soin de marier au ton de la piéce qu’on alloit représenter. — Sommes-nous à l’opéra, dis-je ; voilà un morceau sublime ? — Nous avons sû réunir sans confusion les deux spectacles en un seul, ou plutôt ressuscité l’ancienne alliance que la poësie & la musique formoient chez les anciens. Dans les entre-actes de nos drames, on nous fait entendre des chants animés qui peignent le sentiment & disposent l’ame à bien goûter ce qui va lui être offert. Loin de nous toute musique efféminée, baroque, bruyante, ou qui ne peint rien. Votre opéra étoit un composé bizarre, monstrueux ; nous