Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/185

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gouverner, préférant de faire un petit nombre d’heureux à l’ambition frénétique de dominer sur des pays dévastés, remplis de cœurs ulcérés, à qui la puissance du vainqueur devoit toujours être odieuse. Les rois, d’un commun accord, ont mis des bornes à leur empire, bornes que la nature elle-même sembloit leur avoir assignées, en séparant respectivement les états par des mers, des forêts ou des montagnes : ils ont compris qu’un royaume dont l’étendue seroit moins immense, seroit susceptible d’une meilleure forme de gouvernement. Les sages des nations ont dicté le traité général ; il s’est conclu d’une voix unanime : & ce qu’un siécle de fer & de boue, ce qu’un homme sans vertu appelloit les rêves d’un homme de bien, s’est réalisé par des hommes éclairés & sensibles. Les anciens préjugés, non moins dangereux, qui divisoient les hommes au sujet de leur croyance, sont également tombés. Nous nous regardons tous comme frères, comme amis. L’Indien & le Chinois seront nos compatriotes dès qu’ils mettront le pied sur notre sol. Nous accoutumons nos enfans à regarder l’univers comme une seule & même famille, rassemblée sous l’œil du père commun. Il faut que cette manière de voir soit la meilleure, puisque cette lumière a percé avec une rapidité inconcevable. Les livres excellens, écrits par des hommes sublimes, ont été comme au-