Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/190

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Pour prévenir cet accident, aucun mort n’est enlevé de sa maison que le visiteur ne l’ait empreint du cachet du trépas. Ce visiteur est un homme habile, qui détermine en même tems le sexe, l’âge & l’espece de maladie du défunt. On met dans les papiers publics à quel médecin il a eu affaire. Si dans le livre des pensées que chaque homme, comme je vous l’ai dit, laisse après sa mort, il s’en trouve quelqu’une de vraiment utile ou grande, alors on la détache, on la publie, & il n’y a point d’autre oraison funèbre.

Il est une idée salutaire répandue parmi nous, c’est que l’ame séparée du corps a la liberté de fréquenter les lieux qu’elle chérissoit. Elle se plaît à revoir ceux qu’elle a aimés. Elle plane en silence au-dessus de leurs têtes, contemplant les regrets vifs de l’amitié. Elle n’a pas perdu ce penchant, cette tendresse qui l’unissoit ici-bas à des cœurs sensibles. Elle se fait un plaisir d’être en leur présence, d’écarter les dangers qui environnent leurs corps fragiles. Ces mânes chéris représentent vos anges gardiens. Cette persuasion si douce & si consolante inspire une certaine confiance, tant pour entreprendre que pour exécuter, qui vous manquoit, vous qui, loin de ces images attendrissantes, remplissiez vos cerveaux de chimères tristes & noires.

Vous sentez quel respect profond inspire