Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/199

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abandonné à moi-même : il faisoit grand jour ; & par sympathie je me trouvais à la bibliotheque du roi : mais j’eus besoin de m’en assurer plus d’une fois.

Au lieu de ces quatre salles d’une longueur immense & qui renfermoient des milliers de volumes, je ne découvris qu’un petit cabinet où étoient plusieurs livres qui ne me parurent rien moins que volumineux. Surpris d’un si grand changement, je n’osois demander si un incendie fatal n’avoit pas dévoré cette riche collection ? — Oui, me répondit-on, c’est un incendie mais ce sont nos mains qui l’ont allumé volontairement.

J’ai peut-être oublié de vous dire que ce peuple est le plus affable du monde : qu’il a un respect tout particulier pour les vieillards, & qu’il répond aux questions qu’on lui fait, non en françois, qui interroge en répondant. Le bibliothécaire, qui étoit un véritable homme de lettres, s’avança vers moi, & pesant toutes les objections ainsi que les reproches que je lui faisois, il me tint le discours suivant.

Convaincus par les observations les plus exactes, que l’entendement s’embarasse de lui-même dans mille difficultés étrangeres, nous avons découvert qu’une bibliotheque nombreuse étoit le rendez-vous des plus grandes extravagances & des plus folles chimères. De votre tems, à la honte de la raison, on écrivoit, puis on pensoit. Nos au-