Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/209

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quelque retranchement : mais comme il est le philosophe qui a mieux connu la nature humaine, on avoit conservé ses écrits, quoique toutes ses idées ne soient pas absolument irréprochables. On avoit brûlé & Mallebranche le visionnaire, & le triste Nicole, & l’impitoyable Arnauld, & le cruel Bourdaloue. Tout ce qui concernoit les disputes scholastiques étoit tellement anéanti, que lorsque je parlai des Lettres Provinciales & de la destruction des Jésuites, le savant bibliothécaire fit un anachronisme des plus considérables : je le relevai poliment, & il me remercia avec sincérité. Je ne pus jamais rencontrer ces Lettres Provinciales, ni l’histoire même plus moderne qui contenoit le détail de cette grande affaire : elle étoit alors bien petite ! On parloit des Jésuites comme nous parlons aujourd’hui des anciens Druides.

On avoit fait rentrer dans le néant, dont elle n’auroit jamais dû sortir, cette foule de théologiens dits pères de l’église, les écrivains les plus sophistiques, les plus bizarres, les plus obscurs, les plus déraisonnables, qui furent jamais, diamétralement opposés aux Loke, aux Clarke ; ils sembloient (me dit le bibliothécaire) avoir posé les bornes de la démence humaine.

J’ouvrois, je feuilletois, je cherchois les écrivains de ma connoissance. Ciel, quelle destruction ! Que de gros livres évaporés en fumée ! Où est donc ce fameux Bossuet, im-