Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/215

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petites choses : en ce cas Corneille en avoit moins que Racine. Le tems, juge souverain, qui anéantit également & les éloges & les critiques, le tems a prononcé & a mis une grande distance entre ces deux écrivains : l’un est un génie du premier ordre ; l’autre, à quelques traits près empruntés des grecs, n’est qu’un bel esprit, comme on l’a apprécié dans son siécle même. Dans le vôtre, les hommes n’avoient plus la même énergie : on vouloit du fini, & le grand a toujours quelque chose de rude & de grossier ; le style étoit devenu le mérite principal, comme il arrive chez toutes les nations affoiblies & corrompues.

Je retrouvai le terrible Crébillon, qui a peint le crime sous les couleurs effrayantes qui le caractérisent. Ce peuple le lisoit quelque fois, mais on ne pouvoit consentir à le voir jouer.

On peut bien s’imaginer que je reconnus mon ami La Fontaine[1], également chéri & toujours lu. C’est le premier des poëtes moralistes, & Moliere, juste appréciateur,

    de se trouver à la Cour. Il est difficile de concevoir de plus basses platitudes. Enfin Racine mourut de chagrin, parce que Louis XIV l’avoit regardé de travers en traversant l’œil de bœuf.

  1. C’est le confident de la nature, c’est le poëte par excellence, & j’admire l’audace de ceux qui font des fables après lui avec la présomption de l’imiter.