Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/219

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Je tombai sur un Voltaire[1]. Que je suis charmé, m’écriai-je ! de retrouver ici ces trente-deux volumes in-quarto, émanés de cette plume brillante intarissable ; à cet exclamation le bibliothécaire me tira par le bras, & me dit ; répondez-moi, je vous prie ; un de nos académiciens vient de faire une dissertation pour prouver qu’il y a eu plusieurs écrivains de ce nom, & qu’on avoit attribué à un seul les ouvrages de plusieurs. À peu près comme dans l’antiquité on attribuoit à Hercules les douze travaux que nombre de héros avoient terminés glorieusement. En effet, il n’est guères vraisemblable que l’auteur de la Henriade ait fait Candide ; que l’auteur de Zaïre ait écrit l’histoire de Charles XII ; que le brillant poëme de la pucelle ait pour père l’auteur de la philosophie de Neuton ; que les savantes questions sur l’Encyclopédie soient sorties de la même plume qui écrivit Nanine, & que le même génie qui créa Mahomet & Rome sauvée, ait tracé tant de fugitives étincelantes, & ait fini, dit-on, par faire un opéra comique pour battre jusqu’à Vadé & Favart. Nous ne pouvons croire cela ; aucun écrivain n’a jamais eu cette diversité de talens. Vous qui êtes de ce siécle, vous allez nous mettre d’ac-

  1. Une des meilleurs éditions de ce brillant & fécond génie, la plus complette & correcte, est celle que l’on imprime actuellement à Lausanne en Suisse, chez François Graffet & Compagnie, in-octavo, en petit format portatif.