Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/221

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çois, lui enfin à qui le gouvernement avoit de très grandes obligations ; vous le savez — tout cela ne fait rien à l’histoire ; il existoit vous dis-je, un morceau de papier qui l’empêchoit de venir jouir des applaudissemens dont retentissoit le théâtre, & qui ne lui permettoit d’être le monarque de la littérature qu’à une certaine distance — avec votre papier magique, vous êtes inintelligibles : quoi vous nous soutiendrez en face que l’homme dont se glorifioit la nation ne pouvoit humer comme vous l’air du pont-neuf, où respiroit en bronze le bon roi qu’il avoit tant contribué à faire regretter ; vous nous dites cela d’un ton mal assuré qui nous fait croire que vous avez perdu la mémoire sur cet article… Messieurs, je n’y ai rien compris moi-même dans le tems ; je vous cite des faits & l’on ne nie point les faits. Je n’ai jamais vu Monsieur de Voltaire, on désiroit fort de le voir & de le fêter à Paris, on couronnoit son buste au deffaut de sa tête, on le complimentoit dans des lettres ; mais il étoit invisible même à l’académie.

Je parlois de tout cela, comme j’ai l’honneur de vous le dire, avec des gens d’esprit qui jugeoient en silence tout ce qui se faisoit en Europe, le tout entre cinquante quatre barrières de bois de sapin, au milieu desquelles on fouilloit les gens jusques dans la poche quand ils entroient, & comme je sortois rarement j’étois rarement fouillé en rentrant. Certain jour, certain tome de Voltaire qui