Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/242

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Après qu’on eut bien savouré ces instans délicieux, après que chacun se fut rendu compte des sensations diverses qu’il avoit ressenties, que chacun eut cité les morceaux qui l’avoient le plus frappé, après qu’on se fut renouvellé cent fois le serment de s’aimer toujours, un autre membre de cette auguste société se leva d’un air riant : un bruit flatteur se répandit dans toute la salle, car il passoit pour un railleur socratique[1] ; il éleva la voix & dit :


Messieurs ;

Plusieurs raisons m’ont engagé à vous donner aujourd’hui un petit extrait assez curieux, je pense, de ce qu’étoit notre académie dans son enfance, c’est-à-dire, vers le dix-huitième siécle. Ce cardinal qui nous a fondés, & que nos prédécesseurs louoient à toute ou-

    touchant ou sublime vient saisir l’assemblée, & qu’au lieu de ce profond soupir de l’ame, de cette émotion silencieuse, j’entends ces claquemens redoublés qui ébranlent le plafond, je me dis à moi-même : ces gens-là ont beau battre des mains, ils ne sentent rien ; ce sont des hommes de bois qui font jouer deux planches.

  1. Autant une raillerie mordante est le fruit de l’iniquité, autant une plaisanterie ingénieuse est le fruit de la sagesse : l’enjouement & la gayeté furent les armes les plus triomphantes de Socrate.