Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/243

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trance, à qui on prêtoit dans notre établissement les vues les plus profondes, ne nous a jamais institués, (avouons-le) que parce qu’il faisoit lui-même de mauvais vers qu’il idolâtroit & qu’il vouloit qu’on admirât. Ce cardinal, dis-je, en invitant les écrivains à ne faire qu’un corps, dévoila son génie despotique, & les assujettit à des règles qu’a toujours méconnu le génie. Ce fondateur avoit si peu l’idée d’une société pareille, qu’il crut ne devoir fonder que quarante places ; ainsi, vu les circonstances, Corneille & Montesquieu auroient pu se trouver à la porte & y rester pendant toute leur vie. Ce cardinal s’imagina en même tems que le génie seroit obscur par lui-même, si les titres & les dignités ne venoient relever son néant. Lorsqu’il porta ce jugement étrange, sûrement il n’avoit en vue que des rimailleurs, tels que Colletet & ces autres poëtes qu’il alimentoit par pure vanité.

Il passa donc en coutume alors que ceux qui auroient de l’or en place de mérite, & des titres en place de génie, viendroient s’asseoir à côté de ceux dont la renommée publieroit les noms dans toute l’Europe. Il en donna l’exemple le premier, & il ne fut que trop suivi. Ces grands hommes qui attirèrent l’attention de leur siècle, qui fixèrent tous ses regards en attendant ceux de la postérité, ayant couvert de gloire le lieu où ils tenoient leurs assemblées, l’homme titré &