Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/244

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doré vint assiéger la porte ; il osa presque leur faire entendre qu’il venoit faire rejaillir sur eux l’éclat de ses vains cordons, & il crut bonnement, ou parut croire, qu’il suffisoit de s’asseoir à leurs côtés pour leur ressembler.

On vit des maréchaux tant vainqueurs que battus, des têtes mitrées qui n’avoient point fait leurs mandemens, des gens de robe, des précepteurs, des financiers vouloir passer pour beaux esprits, & n’étant tout au plus que la décoration du spectacle, se croire les véritables acteurs. À peine huit ou dix parmi les quarante figuroient par leur propre mérite ; le reste étoit d’emprunt.

Cependant il falloit la mort d’un académicien pour remplir une place qui, le plus souvent, n’en restoit pas moins vuide.

Quoi de plus risible que de voir cette académie, dont la renommée alloit aux deux bouts de la capitale, tenir ses assemblées dans une petite salle étroite & basse ! Là, sur plusieurs fauteuils jadis rouges, paroissoient de tems à autre plusieurs hommes ennuyés, nonchalamment assis, pesant des syllabes, épluchant gravement les mots d’une pièce de vers, ou d’un discours en prose, pour couronner ensuite le plus froid de tous : mais en revanche, (observez-le bien, messieurs) ils ne se trompoient jamais dans le calcul des jettons qu’ils partageoient en profitant de l’absence de leurs confrères. Croiriez-vous