Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/246

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toit le panégyrique de Louis IX, (je ne sais trop pourquoi) le louoit pendant plus d’une heure, quoi qu’il eût été assurément un mauvais sire[1] ; puis l’on attendoit l’orateur au morceau des croisades ; ce qui allumoit grandement la bile de l’archevêque, qui interdisoit le prêtre orateur pour avoir eu la témérité de montrer du bon sens. Le soir succédoit encore un autre éloge : mais comme celui-ci étoit profane, l’archevêque heureusement ne prononçoit pas sur la doctrine qui y étoit renfermée.

Il faut dire que le lieu où l’on faisoit de l’esprit étoit défendu par des fusiliers & par de gros Suisses qui n’entendoient pas le françois. Rien n’étoit plus plaisant que de voir la maigre encolure d’un savant contraster à leur rencontre avec leur stature énorme & repoussante. On appelloit ces jours-là assemblées publiques. Le public, il est vrai, s’y rendoit, mais pour rester à la porte ; ce qui n’étoit guère reconnoitre la complaisance qu’on avoit de venir les entendre.

Cependant la seule liberté qui restoit à la nation étoit de prononcer souverainement sur la prose & sur les vers, de siffler tel auteur, d’en applaudir tel autre, & par fois de se moquer d’eux tous.

  1. Le premier édit pénal contre des sentimens ou opinions particulières, fut rendu par Louis IX, vulgairement dit St. Louis.