Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/247

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La rage académique s’emparoit néanmoins de toutes les cervelles : tout le monde vouloit être censeur royal[1], puis académicien. On comptoit les jours de tous les membres qui composoient l’académie ; on calculoit le degré de vigueur que leur estomac conservoit à table : au gré des aspirans, la mortalité ne descendoit pas assez promtement sur leurs têtes. Ils sont immortels ! disoit-on. L’un marmotoit tout bas en voyant un élu : ah ! Quand pourrai-je faire ton éloge au bout de la grande table, le chapeau sur la tête, & te déclarer un grand homme conjointement avec Louis XIV & le chancelier Seguier, lorsque déja oublié tu dormiras dans un cercueil à épitaphe.

Enfin les riches complotèrent si bien dans un siécle où l’or tenoit lieu de tout le reste qu’ils chassèrent les gens de lettres ; de sorte qu’à la génération suivante Mrs les fermiers-généraux se trouvèrent possesseurs absolus des quarante fauteuils ; où ils ronflèrent tout aussi à leur aise que leurs devanciers, & ils furent encore plus habiles qu’eux dans le partage des jettons.

  1. Censeur royal ! je n’ai jamais pû entendre ce mot sans pouffer de rire. Nous ignorons nous autres François, combien nous sommes ridicules, & les droits que nous donnons à la postérité de nous regarder en pitié.