Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/249

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du sommet de sept cents années on plonge ses regards dans le passé, il est aisé sans doute de donner des ridicules aux morts. Au reste, l’Académie convenoit même de mon tems que chaque membre qui la composoit valoit beaucoup mieux qu’elle. Il n’y a rien à ajouter à cet aveu. Le malheur est que dès que les hommes s’assemblent, leurs têtes se rétrécissent, comme l’a dit Montesquieu qui devoit le savoir.

Je passai dans la salle où se trouvoient les portraits des académiciens, tant anciens que modernes. Je contemplai les portraits de ceux qui doivent succéder aux académiciens actuellement vivans ; mais pour ne chagriner personne, je me garderai bien de les nommer. :

Hélas ! La vérité si souvent est cruelle,
On l’aime, & les humains sont malheureux par elle.

Volt.

Mais je ne puis me refuser à rapporter un fait qui causera sûrement beaucoup de plaisir aux ames honnêtes, aimant la justice & détestant la tyrannie ; c’est que le portrait de l’abbé de St Pierre avoit été réhabilité & remis dans son rang avec tous les honneurs dûs à sa rare vertu. On avoit effacé la bassesse dont l’académie s’étoit rendue lâchement coupable, lorsqu’elle ploya sous le joug d’une servitude qui devoit lui