Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/287

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de faits mémorables ? un autre avoit-il fait une action grande & courageuse ? alors l’artiste échauffé se chargeoit de la reconnoissance publique, il modéloit en secret un des plus beaux traits de sa vie : (sans y ajouter le portrait de l’auteur) il présentoit tout-à-coup son ouvrage, & obtenoit la permission de s’immortaliser avec le grand homme. Ce travail frappoit tous les yeux, & n’avoit pas besoin d’un froid commentaire.

Il étoit expressément défendu de sculpter des sujets qui ne disoient rien à l’ame ; par conséquent on ne gâtoit point de beaux marbres ou d’autres matières aussi précieuses.

Tous ces sujets licencieux qui bordent nos cheminées étoient sévérement bannis. Les honnêtes gens ne concevoient rien à notre législation, lorsqu’ils lisoient dans notre histoire que dans un siécle où l’on prononçoit si fréquemment le nom de religion & de mœurs, des pères de familles étaloient des scènes de débauche aux yeux de leurs enfans, sous prétexte que c’étoient des chef-d’œuvres ; ouvrages capables d’allumer l’imagination la plus tranquille, & de précipiter dans le désordre des ames neuves, ouvertes à toutes les impressions : ils gémissoient sur cet usage public & criminel de dépraver les cœurs avant qu’ils fussent formés[1].

  1. Entre autres abus publics qu’on se propose de relever, on peut ranger ces parades licencieuses