Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/295

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souverain lui jettoit un regard favorable : si, au contraire, il ne disoit rien que d’absurde, ou grossiérement fondé sur un intérêt particulier, alors on le chassoit avec ignominie, & les huées des assistans l’accompagnoient jusqu’à la porte. Chacun pouvoit se présenter sans autre crainte que celle d’attirer la dérision publique, si ses vues étoient fausses ou bornées.

Deux grands officiers de la couronne accompagnoient le monarque dans toutes les cérémonies publiques, & marchoient à ses côtés. L’un portoit au haut d’une pique une gerbe de bled[1], & l’autre un cep de vigne : c’étoit afin qu’il n’oubliât jamais que c’étoient-là les deux soutiens de l’état & du trône. Derrière lui le panetier de la couronne, ayant une corbeille remplie de pains, en donnoit un à chaque indigent qui réclamoit son assistance. Cette corbeille étoit le sûr thermomêtre de la misère publique ; & lorsque le panier se trouvoit vuide, alors les ministres étoient chassés & punis : mais la corbeille de-

  1. L’empereur Taifung se promenant en campagne avec le prince son fils, & lui montrant les laboureurs occupés à leur travail : voyez, lui disoit-il, la peine que ces pauvres gens prennent tout le long de l’année pour nous soutenir ; sans leurs travaux & sans leur sueur, ni vous ni moi nous n’aurions pas d’empire.