Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons éprouvé combien la souveraineté absolue étoit opposée aux véritables intérêts d’une nation. L’art de lever des tributs rafinés, toutes les forces de ce terrible cabestan progressivement multipliées, les loix embrouillées, opposées l’une à l’autre, la chicane dévorant les possessions particulieres, les villes remplies de tyrans privilégiés, la vénalité des offices, des ministres & des intendans traitant les différentes parties du Royaume comme des pays de conquête, une subtile dureté de cœur qui raisonnoit l’inhumanité, des officiers royaux qui ne répondoient de rien au peuple & qui insultoient plutôt qu’ils ne déferoient à ses plaintes : tel étoit l’effet de ce despotisme vigilant, qui rassembloit toutes les lumieres pour en abuser, à peu près comme ces verres ardens qui ne s’échauffent que pour embraser. On parcouroit la France, ce beau royaume que la nature avoit favorisé de ses regards propices : & qu’y voyoit-on ? Des cantons désolés par les maltôtiers, les villes devenues bourgs, les bourgs villages, les villages hameaux ; leurs habitans hâves, dé-

    que des terres abandonnées, des visages pâles, des regards contraints qui n’osent se lever vers la voûte du ciel. Homme ! choisis donc d’être heureux ou misérable, si tu peux encore choisir ; crains la tyrannie, déteste l’esclavage, arme ton bras, meurs ou vis libre.