Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/308

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neur des citoyens ; hardis pour la défense de leurs minces privilèges, lâches dès qu’il s’agissoit de l’intérêt public : on s’épargnoit dans les derniers tems jusqu’à la peine de les corrompre ; ils étoient tombés dans une indolence perpétuelle. Nos magistrats sont bien différens : le nom de peres du peuple, dont nous les honorons, est un titre qu’ils méritent dans toute l’étendue du terme.

Aujourd’hui les rênes du gouvernement sont confiées à des mains fermes & sages qui suivent un plan. Les loix règnent, & aucun homme n’est au dessus d’elles ; ce qui étoit un inconvénient affreux dans vos gouvernemens gothiques. Le bonheur général de la patrie est fondé sur la sûreté de chaque sujet en particulier : il ne craint point les hommes, mais les loix ; & le souverain lui-même les apperçoit au-dessus de sa tête[1]. Sa vigilance rend les sénateurs plus at-

  1. Tout gouvernement où un seul homme est au-dessus de la loi & peut la violer impunément, est un gouvernement malheureux & inique. En vain un homme de génie a-t-il employé tous ses talens pour nous faire goûter les principes des gouvernemens asiatiques ; ils sont trop outrageans à la nature humaine. Voyez ce superbe vaisseau qui maîtrise les elémens ; il ne faut qu’une fente imperceptible pour y faire entrer l’onde amère & causer sa destruction. Ainsi un seul homme au-dessus des loix fera entrer dans le corps politique toutes les