Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/334

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Nos femmes, vertueuses par principes, se complaisent dans les plaisirs domestiques : ils sont toujours rians lorsque le devoir se confond avec le sentiment ; rien n’est difficile alors, & tout prend une empreinte touchante.

— Oh ! Que je suis désespéré d’être si vieux, m’écriai-je ? j’épouserois tout à l’heure une de ces femmes aimables. Les mœurs des nôtres étoient si hautaines, si altieres ! Elles étoient pour la plupart si fausses, si mal élevées, que se marier passoit pour une insigne folie. La coquetterie & le goût immoderé des plaisirs, avec une profonde indifférence pour tout ce qui n’étoit pas elles-mêmes, voilà ce qui composoit le caractère de nos femmes. Elles jouoient la sensibilité ; elles n’étoient guère humaines qu’envers leurs amans. Tout autre goût que celui de la volupté étoit presque étranger à leur ame. Je ne parle point ici de la pudeur ; elle étoit un ridicule. Aussi tout homme sage, ayant à choisir de deux maux, préféroit le célibat comme le moindre. La difficulté d’élever des enfans étoit encore une raison non moins forte ; on évitoit de donner des enfans à un état qui devoit les accabler de rigueurs. Ainsi l’éléphant généreux, une fois captif, se dompte lui-même, refuse de se livrer au plus doux instinct, afin de ne point rendre esclave sa postérité. Les maris eux-mêmes veilloient dans leurs transports à écar-