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CHAPITRE XXXIX.

Les Impôts[1].


Dites-moi, je vous prie, comment se levent les impositions publiques ; car votre législation a beau être perfectionnée, il faut toujours payer des impôts, je pen-

  1. Mes amis, écoutez cet apologue. Devers l’origine du monde il étoit une vaste forêt de citronniers, qui portoient les fruits les plus beaux, les plus pleins, les plus vermeils que l’on ait vus depuis. Les branches plioient sous le fardeau, & l’air étoit embaumé au loin de l’odeur agréable qui s’exhaloit. Cependant quelques vents impétueux abattirent plusieurs citrons & brisèrent même plusieurs branches. Quelques voyageurs altérés cueillirent des fruits pour étancher leur soif, & les foulerent aux pieds après en avoir exprimé le jus. Ces accidens engagèrent la gent citronniere à se créer des gardiens, qui éloignassent les passants, & qui environnassent la forêt de hautes murailles, le tout pour rompre la fureur des vents. Ces gardiens se montrerent d’abord fideles & désintéressés ; mais ils ne tarderent pas à exposer que de si rudes travaux avoient fait naître dans leur sein une soif ardente, & ils firent cette priere aux citrons : « Messieurs, nous mourons de soif en vous servant ; permettez que nous fassions à chacun de vous une légère incision ; nous ne vous demandons qu’une goutte de limonade pour rafraîchir notre palais altéré ; vous n’en ferez pas plus