Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/345

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élevé à quelque distance. Sur ce tronc étoit écrit : Tribut dû au Roi représentant l’État. Tout à côté, un autre tronc d’une grandeur plus médiocre offroit ces mots : Don Gratuit. Je vis plusieurs personnes qui d’un air libre, aisé, content, jettoient dans le tronc plusieurs paquets cachetés ; ainsi que de nos jours on met des lettres à la grand’poste. Comme j’admirois cette maniere facile de payer l’impôt, & que je faisois à ce sujet mille interrogations ridicules, on me regardoit comme un pauvre vieillard qui revient de fort loin, & l’indulgence affable de ce bon peuple ne me laissoit jamais attendre une réponse. J’avoue qu’il faut rêver pour rencontrer des gens aussi complaisans : ô le peuple loyal !

Ce grand coffre-fort que vous voyez, me dit-on, est notre receveur-général des finances. C’est là que chaque citoyen vient déposer l’argent qu’il doit pour le soutien de l’État. Dans l’un nous sommes obligés de mettre annuellement le cinquantieme de notre revenu. Le mercénaire qui n’a point de bien, ou celui qui n’a que sa subsistance juste, est dispensé de l’impôt[1] ; car, com-

  1. Voici ce que le cultivateur, les habitans de la campagne, le peuple, enfin, pourroient dire aux souverains : « Nous vous avons élevés au-dessus de nos têtes ; nous avons engagé nos biens & notre vie